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  • Photo du rédacteurSandrine Dumazer

Homosexualités et préjugés


L’homosexualité aujourd’hui


Homosexualités et préjugés, Jean Philippe Roussac - Lorioal du Comtat, Pyschologue

Récemment, l’homosexualité était encore classée comme maladie mentale, dans le manuel diagnostique et statistiques des troubles mentaux avant d’en être retirée en 1973 (Bayer, 1987). Depuis, l’opinion publique envers les homosexuels et les lesbiennes se modifie et cette communauté tend à être plus facilement acceptée de nos jours (Whitley & Kite, 2013). Cette tendance est d’ailleurs davantage marquée dans les pays les plus développés. Il a été en effet largement démontré que plus une nation s’enrichit et s’accroît, plus la prévalence des attitudes négatives envers la communauté homosexuelle diminue (Souza & Cribari-neto, 2015).

Du simple point de vue légal, les thérapies de conversion, censées guérir les personnes homosexuelles et les rendre hétérosexuelles ont été progressivement interdites aux Etats-Unis. De la même façon, plusieurs barrières institutionnelles sont tombées, notamment l’interdiction pour une personne homosexuelle de faire son service militaire (Herek & McLemore, 2013). Quant au soutien en faveur du mariage entre personnes du même sexe, même si l’opinion publique reste divisée, il a continué à se développer au cours de la dernière décennie (Pinsof & Haselton, 2016).

Malgré ces changements sociétaux rapides, l’hostilité discriminatoire à l’encontre des minorités sexuelles demeure élevée : les comportements homosexuels sont sévèrement punis dans plus de soixante-quinze pays et les crimes de haine contre les personnes homosexuelles continuent à être perpétrés à une fréquence alarmante. Ainsi, plus de quarante ans après que Weinberg (1972) ait été le premier à parler d’ « homophobie », pour désigner la peur ressentie par une personne hétérosexuelle de se retrouver en compagnie d’individus homosexuels, ce terme reste d’actualité partout dans le monde (cité par Herek, 2015).

Il semble d’ailleurs que les individus homosexuels et les lesbiennes fassent l’objet de préjugés particulièrement solides, pouvant même représenter une menace, voire un danger pour la santé : de tous les groupes sociaux considérés, celui des individus homosexuels, est le plus souvent perçu comme impur et porteur d’un risque de contamination (Golec et al., 2014).

Les préjugés sexuels

La notion de préjugé a fait l’objet de nombreuses définitions au cours des années. Si Allport évoque « un sentiment d’antipathie fondé sur une généralisation erronée et inébranlable » (1954, p. 9), la plupart des définitions englobent cependant trois idées maîtresses : (1) le préjugé est avant tout une attitude, à savoir une évaluation ou un jugement. (2) Cette attitude est dirigée à l’encontre d’un groupe social et ses membres, et (3) elle est généralement négative (Herek, 2015). Par ailleurs, ces évaluations sont souvent automatiques et, de manière générale, doivent leur stabilité à leur utilité sociale. Les préjugés jouent notamment un rôle important dans la protection de l’estime de soi, surtout si cette dernière se trouve menacée (Fein et al., 2003).

Nous entendrons ici par préjugés sexuels ceux qui sont liés aux pratiques sexuelles de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre), et plus particulièrement des homosexuels et des lesbiennes. Herek (2000) propose le terme de préjugé sexuel pour faire référence aux attitudes négatives envers un individu à cause de son orientation sexuelle. Si cette définition se rapproche de celle de l’homophobie, cette dernière renvoyant à une anxiété et une aversion irrationnelle de se retrouver à proximité d’un homosexuel, voire d’être même contaminé par lui, ces deux notions se distinguent. En effet, tandis que la première est descriptive et cherche à comprendre ce qui motive les comportements anti-homosexuels, l’homophobie reste un terme plus générique et ne définit ni les origines ni même les dynamiques animant ces comportements (Herek, 2000). Le concept multidimensionnel d’homonégativité tend finalement à englober les différents aspects de ces deux notions et est spécifiquement conçu comme une stratégie cognitive visant à protéger et maintenir la stabilité de l’ordre social établi (Garro et al., 2013).

Les préjugés sexuels sont liés aux croyances sociétales de genre qui contraignent les hommes et les femmes et selon lesquelles chacun doit tenir son rôle : les hommes notamment sont censés être masculins et éviter la féminité (Bem, 1993). Le genre étant une catégorie sociale de base, les individus tendent à être déstabilisés lorsque l’appartenance à une catégorie de base est ambigüe. Ils tendent d’ailleurs à considérer la notion de genre de façon bipolaire, ce qui est masculin excluant ce qui est féminin et inversement (Whitley & Kite, 2013). Ces croyances de genre génèrent des suppositions quant à l’orientation sexuelle d’un individu : un homme ayant des caractéristiques féminines est probablement homosexuel, et, dans une moindre mesure, une femme porteuse de caractéristiques masculines est potentiellement lesbienne (Deaux & Lewis, 1984). De plus, les hommes hétérosexuels auraient plus de préjugés que les femmes à l’encontre de la communauté homosexuelle, et plus particulièrement envers les hommes homosexuels : ils appréhendent, plus que les femmes, d’être mis en contact avec un homme homosexuel (Rampullo et al., 2013). Cette tendance pourrait notamment s’expliquer par le fait que les hommes confèreraient au lesbianisme une certaine valeur érotique, ce qui améliorerait subséquemment leur attitude à l’égard des lesbiennes (Louderback et al., 1997).

Pour une personne hétérosexuelle, le préjugé sexuel peut avoir une fonction auto-défensive permettant de chasser le sentiment de menace généré par la présence d’un individu homosexuel. Le préjugé sexuel peut également être envisagé comme un moyen d’affirmer des valeurs profondes et d’assoir sa propre identité, voire d’être reconnu et accepté par un groupe (Herek, 2015). Ainsi, outre les besoins individuels, l’expression de tels préjugés est conditionnée par les normes culturelles et les croyances. En effet, le conservatisme politique, l’engagement religieux, le fait d’être plus âgé ou encore un certain manque d’éducation sont notamment reconnus comme des facteurs positivement associés aux préjugés sexuels. Au contraire, les niveaux de préjugés sexuels les plus bas sont davantage observés chez les femmes que chez les hommes et chez les personnes ayant été amenées à côtoyer des homosexuels. Les recherches portant sur la réduction des préjugés sexuels se sont cependant surtout concentrées sur la manipulation de contacts intergroupes, imaginés ou réels, entre individus hétérosexuels et homosexuels (Lehmiller et al., 2010).

Les préjugés sexuels ont ainsi plus particulièrement été étudiés de façon à appréhender l’origine des attitudes négatives envers la communauté homosexuelle. Si, de manière générale la psychologie a fait de grandes avancées dans le champ des difficultés et des dysfonctionnements humains, ce n’est que récemment, avec le développement de la psychologie positive, que les chercheurs mesurent l’importance de prendre également en considération les processus positifs de l’existence humaine, comme l’optimisme ou l’attachement, pour mieux comprendre les individus (Gable & Haidt, 2005). Dès lors, au regard de la psychologie positive, que l’on peut définir comme l’étude des conditions contribuant à l’épanouissement ou à l’optimisation du fonctionnement des personnes et des groupes (Gable & Haidt, 2005), l’étude de la réduction des préjugés sexuels pourrait trouver un nouvel éclairage.

Jean Philippe Roussac - Psychologue à Loriol du Comtat

Diplômé de l’Université de Paris VIII

Master 2 Psychologie, spécialité psychologie sociale et des organisations


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